Les risques psycho-sociaux (RPS)
Posté le 26/12/2018
Les risques psycho-sociaux
I Prévenir les risques psycho-sociaux
Soigner une organisation, c’est aider les individus qui la composent à se responsabiliser quant à leur santé psychique et physique, mais aussi les inciter à faire valoir leur droit lorsque l’institution est défaillante et ne les respecte plus.
Les risques psycho-sociaux (RPS), tels que définis par le ministère du Travail et des Relations sociales, sont à l’interface de l’individu (« psycho ») et de sa situation de travail (« social »). Loin de se résumer à un stress, dont il est une manifestation, ces risques regroupent plusieurs risques professionnels qui mettent en jeu l’intégrité physique et psychique des salariés et qui compromettent la performance de l’entreprise. Les RPS sont le résultat d’une combinaison entre différentes dimensions individuelles, collectives et organisationnelles de l’activité professionnelle.
Il convient de distinguer les risques psycho-sociaux des troubles psycho-sociaux, les seconds résultant des premiers s’ils n’ont pas été neutralisés à temps.
Le trouble se caractérise donc par l’apparition de signes plus ou moins perceptibles et susceptibles de devenir pathologiques. Le risque est alors considéré comme la probabilité qu’un trouble se manifeste.
Il existe différentes catégories de RPS
- La charge de travail
- Le sexisme
- La discrimination
- Les violences externes (insultes, menaces, agressions par des clients ou des patients)
- Les violences internes (harcèlement moral et sexuel, conflits extrêmes).
Pour aller au-devant de ces risques, on fait de la prévention dans l’objectif de neutraliser leurs effets par des réponses appropriées. Cette prévention doit être participative, c’est-à-dire qu’elle doit impliquer tous les acteurs concernés (salariés, cadres, la direction, le CHSCT, la médecine du travail).
Ces mesures doivent permettrent une intervention immédiate et efficace. Pour cela, il est nécessaire qu’elles soient périodiquement réajustées et adaptées à l’évolution des situations.
Les trois niveaux de prévention
La prévention primaire agit en amont des difficultés et permet d’éviter le risque. À ce titre, les interventions primaires représentent le cœur de la prévention. Elles concernent l’organisation du travail, la charge de travail et sa répartition. La prévention primaire débute par l’identification des dangers et des risques. Cette démarche consiste à éliminer les risques à la source sur le long terme. En cela, il convient de proscrire les styles de management laxistes ou directifs, qui s’avèrent inappropriés, notamment en cas de conflits, et de faire la chasse aux conduites individualistes, sources de rivalités.
La prévention secondaire consiste à réduire la gravité d’un risque qui est apparu. Elle s’intéresse aux signes précoces de difficultés et permet d’agir pour limiter les dégâts. Par exemple, si l’on a connaissance d’un cas de harcèlement, l’entreprise devra accompagner la victime, mais aussi être proactive et traiter à priori tous les cas qui relèvent de harcèlement. Dans le cadre de cette démarche, on informe, on sensibilise le personnel à la question de la santé mentale au travail et on lui permet d’acquérir des compétences pour faire face aux risques psycho-sociaux.
La prévention tertiaire se concentre sur les dommages, c’est-à-dire lorsque les difficultés sont avérées. Elle intervient pour éviter la récidive ou l’aggravation du mal. En prévention tertiaire, il s’agit également de limiter et d’atténuer les conséquences d’un événement fâcheux. Les mesures tertiaires constituent une réparation des dommages sur la victime qui est au cœur des préoccupations. Le suivi de l’événement, le soutien au salarié, à ses collègues, la mise en place d’une cellule d’écoute, la réorganisation du service et des tâches sont également à prévoir.
Les principaux acteurs de prévention des risques psycho-sociaux
La DRH
Elle a plusieurs fonctions dont le devoir d’évaluer tous les risques, d’établir le document unique (DU) et de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. La sécurité et la santé font donc partie des obligations de résultat. En cas d’alerte d’un salarié, elle saisit le CHSCT qui signale les dangers au chef d’établissement, étudie et analyse les risques et les conditions de travail, dispense des formations sur la prévention des risques professionnels et le harcèlement.
Les représentants du personnel
Ils jouent un rôle important dans les actions de prévention. Très sollicités lors de situations de souffrance au travail, les délégués du personnel (DP) et les membres du CHSCT possèdent des droits et des devoirs pour intervenir.
En amont, ils peuvent inciter la direction à se pencher sur un problème en particulier et proposer de lancer un diagnostic.
En vertu de l’article L 4131-2 du Code du travail, ces acteurs ont la possibilité d’exercer leur droit d’alerte s’ils constatent l’existence d’un « danger grave et imminent ». L’employeur est alors tenu de diligenter une enquête.
Le médecin du travail
Il est l’interlocuteur privilégié des salariés et joue un rôle déterminant en matière de prévention des risques psycho-sociaux. Il écoute, conseille et oriente les salariés en difficulté. Tenu au secret médical, il est aussi le mieux placé pour alerter la hiérarchie des situations de souffrance.
Lors des consultations, il doit déterminer si le salarié est en état de stress, de dépression ou de burn-out et s’il a besoin d’une prise en charge psychologique.
II Droit
1/Les obligations de l’employeur
Article L 4121-1 du Code du travail
L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent:
1 Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail.
2 Des actions d’information et de formation.
3 La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
2/Les obligations des travailleurs
Article L 4122-1 du Code du travail
Conformément aux instructions qui lui sont données par l’employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d’en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.
Les instructions de l’employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d’utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir.
Les dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l’employeur.
3/ Les fautes professionnelles qualifiées au pénal
A/ Harcèlement moral
Article L 1152-1 du Code du travail
Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Article L 1152-2
Aucun salarié, aucune personne en fonction ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Article L 1152-3
Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et L1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Article L 1152-4
L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral
Article L 1152-5
Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d’une sanction disciplinaire.
Article L 1152-6
Une procédure de médiation peut être mise en œuvre par toute personne de l’entreprise s’estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause.
Le choix du médiateur fait l’objet d’un accord entre les parties.
Le médiateur s’informe de l’état des relations entre les parties. Il tente de les concilier et leur soumet des propositions qu’il consigne par écrit en vue de mettre fin au harcèlement.
Lorsque la conciliation échoue, le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime.
En vertu de l’article 222-3-2 du Code pénal, le harcèlement moral est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000€ d’amende.
Le cas de Josiane
Josiane est manager de proximité dans un service du Crédit Lyonnais. Elle est appréciée de ses collègues et de sa hiérarchie. Un nouveau chef, réputé pour ses pratiques managériales douteuses vient d’être muté dans le service où elle exerce depuis plusieurs années.
Très vite, il fait savoir à Josiane qu’il n’apprécie pas sa façon de travailler. Il contrarie ses projets, freine toute initiative, lui subtilise des dossiers et l’empêche de partir en déplacement à l’étranger. Il vérifie exagérément son travail et la dénigre systématiquement à bureau fermé. Lorsque Josiane tente de se prémunir contre ses actions d’annihilation en demandant à travailler à temps partiel, il sort de ses gonds et l’insulte : « Déjà que tu ne fichais rien, maintenant tu demandes un temps partiel. Non mais pour qui tu te prends, espèce de fainéante ! ».
Le harcèlement moral se constitue à partir de deux faits qui peuvent être éloignés dans le temps et s’exercent sur la même personne. Il peut être horizontal, vertical (ascendant ou descendant), externe ou interne.
Dans le cas présenté, le harcèlement moral est interne et ascendant, c’est-à-dire qu’il est exercé par un supérieur hiérarchique à l’encontre d’un salarié subordonné. Il associe plusieurs faits : la technique de la malveillance (tous les faits et gestes de Josiane sont surveillés) ; la mise en scène de la disparition (ses dossiers sont supprimés) ; la technique de la double contrainte (le chef freine ses initiatives mais lui refuse un temps partiel) ; et enfin les insultes.
Pour se protéger de ses agissements, Josiane peut exercer son droit de retrait, c’est-à-dire cesser son activité et en alerter oralement ou par écrit l’employeur. Elle doit signaler la situation dangereuse à la DRH ou bien aux syndicats.
Le droit de retrait est un droit et non un abandon de poste. Cependant, il faut que le salarié ait une raison de penser qu’il existe un danger grave et imminent. Le harcèlement ne constituant pas de danger grave et imminent, tant que l’altération de la santé n’est pas certifiée par un médecin, Josiane peut consulter la médecine du travail.
Une fois alerté, l’employeur doit procéder immédiatement à une enquête. S’il s’avère que les faits sont vrais, le Code du travail prévoit des sanctions disciplinaires : un blâme, un avertissement, une mise à pied et même un licenciement pour faute grave si son maintien dans l’entreprise s’avère impossible.
La mutation de la victime dans un autre service serait une exécution de mauvaise foi du contrat de travail et Josiane devrait alors se retourner contre son employeur.
L’employeur doit également prévoir un accompagnement psychologique et juridique de la victime. Il l’aide à se constituer partie civile dans le cadre d’une plainte pénale.
Si l’employeur reste inactif, alors qu’il a connaissance des faits de harcèlement, Josiane peut saisir l’Inspection du travail et le Conseil des prud’hommes qui statue en référé.
B/ Harcèlement sexuel
Article L 1153-1
Aucun salarié ne doit subir des faits :
1 Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
2 Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
Article L 1153-2
Aucun salarié, aucune personne en fonction ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l’article L1153-1, y compris dans le cas mentionné au 1 du même article si les propos ou comportements n’ont pas été répétés.
Article L 1153-3
Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés.
Article L 1153-4
Toute disposition ou tout acte contraire aux dispositions des articles L1153-1 à L1153-3 est nul.
Article L 1153-5
L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner.
Dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche, les personnes mentionnées à l’article L1153-2 sont informées par tout moyen du texte de l’article 222-33 du code pénal.
Article L 1153-6
Tout salarié ayant procédé à des faits de harcèlement sexuel est passible d’une sanction disciplinaire.
En vertu de l’article 222-3 du code pénal, le harcèlement sexuel est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000€ d’amende. Ces peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende lorsque les faits sont commis par :
1 Une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions.
2 Sur un mineur de quinze ans
3 Sur des personnes vulnérables et dépendantes tant sur le plan physique qu’économique.
4 Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice.
Le cas de Clara
Clara est formatrice en gestion du stress. Elle intervient depuis une semaine auprès des managers de la société Arima.
Depuis le début de la formation, lors de la pause café, Monsieur Rapiste attend que ses collègues se soient éloignés pour approcher Clara de près et regarde sa poitrine avec insistance lorsqu’il lui adresse la parole. Hier, tandis que Clara se servait un café, Monsieur Rapiste est arrivé par derrière et s’est collé contre elle, les mains plaquées sur ses hanches, accompagnant son geste de cette phrase : « Ma petite Clara, vous êtes une pure invitation au sexe ! Alors, quand est-ce qu’on se cale un petit cinq à sept tous les deux? ».
Les autres managers, alertés par le cri de Clara et le rire graveleux de Monsieur Rapiste, se retournent au moment où la jeune femme repousse son agresseur et s’avancent vers elle pour l’emmener dans une autre pièce où elle pourra leur raconter ce qui vient de se passer.
Le droit français qualifie ce fait de harcèlement sexuel. Le fait d’avoir un seul propos dégradant au cours d’une journée ou d’une soirée suffit à constituer un harcèlement. Les propos et gestes déplacés de Monsieur Rapiste sont imposés à Clara qui n’est pas consentante.
Pour se protéger de ses agissements, Clara peut exercer son droit de retrait, c’est-à-dire cesser son activité et en alerter oralement ou par écrit l’employeur. Elle doit signaler la situation dangereuse à la DRH ou bien aux syndicats.
Le droit de retrait est un droit et non un abandon de poste. Cependant, il faut que le salarié ait une raison de penser qu’il existe un danger grave et imminent. Le harcèlement ne constituant pas de danger grave et imminent, tant que l’altération de la santé n’est pas confirmée, Clara peut consulter la médecine du travail.
Une fois alerté, l’employeur doit procéder immédiatement à une enquête. S’il s’avère que les faits sont vrais, le maintien dans l’entreprise du salarié fautif est impossible et l’employeur doit le licencier pour faute grave.
L’employeur doit également prévoir un accompagnement psychologique et juridique de la victime. Il l’aide à se constituer partie civile dans le cadre d’une plainte pénale.
Si l’employeur reste inactif, alors qu’il a connaissance des faits de harcèlement, Clara peut saisir l’inspection du travail et le Conseil des prud’hommes qui statue en référé.
4/ Les droits d’alerte et de retrait
Article L 4131-1 (travailleur)
Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.
L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.
Article L 4131-2 (CHSCT)
Le représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui constate qu’il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, en alerte immédiatement l’employeur selon la procédure prévue au premier alinéa de l’article L 4132-2.
Article L 4131-3
Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie et pour la santé de chacun d’eux.
Article L 4131-4 (faute inexcusable de l’employeur)
Le bénéfice de la faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l’employeur le risque qui s’est matérialisé.
III Santé (voir l'article "Du stress au burn-out")