La dépression
Posté le 11/03/2019
LA DEPRESSION
La dépression n’est ni un mal-être existentiel ni un « coup de blues ». Notre palette émotionnelle est vaste et le cafard, le doute, la tristesse et le désespoir font partie des expériences humaines normales. On commence à parler de dépression lorsque ces manifestations humorales sont multiples, caractérisées, permanentes et entrainent une gêne importante dans les différents domaines de la vie quotidienne (difficulté ou incapacité à se lever, à se rendre à son travail, à sortir faire ses courses…). Les personnes qui souffrent de dépression savent faire la distinction entre l’éventail d’émotions agréables ou douloureuses que nous connaissons tous, et l’état dans lequel les plonge la dépression. Elles continuent de ressentir des émotions mais celles-ci sont envahies par une souffrance morale d’autant plus insupportable qu’elle est intense et permanente. Trois éléments principaux caractérisent cet état : Les symptômes Le dépressif se sent triste, malheureux et la vie lui est insupportable. Il se dit incapable d’éprouver de la joie, de la colère, de la peur et cet émoussement affectif est d’autant plus culpabilisé qu’il en est conscient. Son humeur dépressive s’exprime par des mimiques douloureuses, une tonalité de voix triste et une gestualité traduisant le découragement et l’inutilité de la lutte. Le symptôme le plus manifeste de la dépression est le ralentissement dans tous les domaines de la vie quotidienne, affective, professionnelle, intellectuelle, physique, corporelle. La personne en dépression ressent une fatigue permanente que ni le repos ni le sommeil n’atténuent. Ses gestes sont ralentis, elle peine à accomplir des actions qu’elle réalisait jusqu’ici sans difficulté. Emotions, pensées, actions sont engluées par la maladie. La vie affective est en berne et la tristesse, envahissante et douloureuse, s’accompagne de pleurs immotivés et fréquents. Le désespoir est d’autant plus intense que les petits plaisirs de la vie ont disparu, donnant à celle-ci une texture terne, inodore et insipide. Les émotions habituelles font place à une hypersensibilité émotionnelle cohabitant avec le sentiment de ne pas être aimé d’autrui ou de ne rien avoir à dire ou à faire qui puisse intéresser quiconque. L’anxiété, symptôme fréquent dans la dépression, revêt des manifestations somatiques, comme une gêne respiratoire, une sensation de boule dans la gorge, des douleurs dans le ventre et le dos ; et psychiques, telles que des ruminations, une peur diffuse sans objet, un sentiment de catastrophe imminente. Sur le plan intellectuel, le débit verbal est ralenti, l’individu cherche ses mots pour exprimer ses idées et le discours manque de fluidité. Les troubles de l’attention et de la mémoire sont fréquents. A tel point que fixer son attention, écouter et retenir ce que l’on vient de lire sont des tâches très difficiles à accomplir. Le pessimisme permanent, la dévalorisation de soi, la culpabilité et les pensées négatives sont caractéristiques de cette maladie. Mais le thème dominant de ce tableau clinique est celui de la mort. Celle du sujet, de ses proches ou en général. Il est envahi par des idées noires qui le hantent jour et nuit. Ces idées noires sont typiques de la dépression et tendent à disparaitre à la guérison de la maladie. Les fonctions vitales telles que le sommeil et l’appétit sont perturbées. Le sommeil est moins profond, peu réparateur et les réveils sont précoces avec une impossibilité à se rendormir à cause des ruminations qui envahissent l’esprit. Le sommeil peut être au contraire excessif ; on parle alors de « sommeil refuge » qui renvoie au besoin de fuir la réalité. L’appétit peut être moindre, ce qui entraîne un amaigrissement, ou au contraire excessif, ce qui conduit à une prise de poids. La sexualité est une fonction à la fois biologique et relationnelle, qui se trouve également perturbée dans la dépression. Le désir sexuel s’émousse, ce qui peut donner au partenaire l’impression d’être délaissé et accentuer les tensions dans la vie de couple. Enfin, la dépression s’accompagne fréquemment de maux de tête, de problèmes digestifs, de douleurs dorsale et articulaires, de tension artérielle et parfois, d’interruption des règles. La dépression se manifeste le plus souvent sous la forme d’épisode dépressif caractérisé ou d’épisode dépressif majeur. Le diagnostic d’épisode dépressif est posé lorsque l’état de dépression dure plus de quinze jours ; lorsque la personne se sent triste chaque jour et presque toute la journée ; lorsque cet état de souffrance est associé à de nombreux autres symptômes décrits précédemment et que ceux-ci ont des répercussions sur les différents domaines de la vie, affectif, social et professionnel. La durée de l’épisode dépressif est variable et peut aller de plusieurs semaines à quelques mois, voire quelques années. En fonction du nombre et de l’intensité des symptômes, l’épisode dépressif sera plus ou moins sévère et impactera plus ou moins la vie quotidienne. Dans les cas extrêmes, la personne se néglige et ne parvient plus à se nourrir, à s’habiller seule ou à conserver un minimum d’hygiène personnelle. Elle peut également tenter de mettre fin à ses jours. L’épisode dépressif peut survenir à des moments particuliers de l’année, notamment l’hiver jusqu’au printemps (épisode dépressif saisonnier), dans le mois qui suit un accouchement (dépression post-partum), ou bien au cours des semaines qui suivent la perte d’un être cher. Ce n’est pas l’apparition de symptômes dépressifs lors du processus de deuil qui sont alarmants, mais le fait que ces symptômes persistent et s’installent dans le temps, au-delà de deux ou trois mois. Si tel est le cas, il est préférable de consulter un professionnel de santé pour en parler et atténuer la douleur du deuil. Les caractéristiques de l’épisode dépressif peuvent varier en fonction de l’âge. Les causes Face à la dépression, on recherche toujours des explications et l’on se pose des questions, car notre besoin de comprendre et de donner un sens à nos maux permet d’atténuer la douleur morale. On évoque des causes externes en lien avec le travail, des problèmes financiers, une situation conjugale compliquée, la solitude ; ou des causes internes s’exprimant par des auto-accusations qui amplifient la douleur morale déjà à l’œuvre dans la dépression. Ces explications subjectives sont souvent éloignées des origines réelles de la dépression et constituent même un frein à la démarche de soin et à la guérison. On sait aujourd’hui que les causes de la dépression résultent de facteurs biologiques, psychologiques et environnementaux. Certains de ces facteurs prédisposent à la maladie, comme le fait d’avoir des parents qui ont souffert de dépression ou sont particulièrement pessimistes. De même, le fait de vivre des événements traumatisants répétés ou des conflits parentaux importants pendant la petite enfance augmentent le risque d’être touché par la dépression dans la suite de l’existence. * Les facteurs biologiques * Les facteurs psychologiques * Les facteurs environnementaux Comment se soigner La seule volonté ne suffit pas à s’en sortir, car cette maladie engendre un sentiment de dévalorisation de soi et des pensées négatives. Mais les traitements, adaptés à chaque personne et à l’intensité de la maladie, sont complémentaires et efficaces. La psychothérapie a largement fait ses preuves. Pendant l’épisode dépressif, elle permet de gérer la maladie, tout en réduisant les symptômes et leurs conséquences, mais aussi de leur donner du sens. Elle produit ses premiers effets rapidement : un soulagement, suivi de changements durables au bout de quelques semaines. Après la guérison d’un épisode dépressif, la psychothérapie prévient la réapparition des symptômes. La méthode de psychothérapie varie selon la formation et l’orientation théorique du praticien, mais quelle que soit la technique utilisée, elle est fondée sur un échange de personne à personne qui s’instaure grâce à l’écoute, l’absence de jugement et la compréhension de ce dernier, qui est également tenu au secret professionnel. C’est dans ce cadre thérapeutique que les problèmes seront abordés, mais d’une manière spécifique, car le psychothérapeutique en propose une autre lecture, favorise l’expression de ce qui est ressenti et aide à mettre des mots sur le vécu du patient en utilisant différentes techniques comme les questions ouvertes, la reformulation des problèmes, des exercices de mise en situation ou des moments de silence. Ce face à face permet de s’aventurer dans des zones inexplorées de la psyché en toute sécurité et de favoriser le changement en douceur. Ces modes d’intervention sont adaptés à la personne sui consulte et à la singularité de son histoire. La psychothérapie est proposée par les psychiatres et les psychologues et s’adresse à tout le monde (sexe, âge, catégorie sociale). Elle peut être prescrite par un médecin généraliste, mais ce n’est pas obligatoire, la personne étant libre de consulter le professionnel de son choix. La durée de prise en charge varie en fonction du type de dépression, de sa sévérité et de la situation de la personne qui consulte. La psychothérapie peut être utilisée seul ou conjointement à un traitement anti-dépresseur qui sera prescrit par un psychiatre ou bien par un médecin généraliste. Ces médicaments sont des molécules qui agissent au niveau des synapses, à travers lesquelles les neurones communiquent les unes avec les autres. On sait maintenant que la sérotonine est impliquée dans la dépression et que des taux bas de sérotonine favoriserait la baisse de l’humeur. Or, après avoir été libérée pour transmettre une information, la sérotonine est recapturée par les neurones qui l’avaient sécrétée. C’est la raison pour laquelle les antidépresseurs agissent comme des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine par les synapses afin d’augmenter le niveau de ce neurotransmetteur dans le cerveau. La prise médicamenteuse n’est pas anodine et peut avoir des effets indésirables (somnolence, variation pondérale, baisse de libido, nausée) ; de même qu’il faut attendre plusieurs semaines avant d’en ressentir les effets. Si les médicaments antidépresseurs ne créent pas de dépendance, un suivi régulier par un médecin est d’autant plus indispensable que le traitement d’un épisode dépressif comporte deux phases :
Enfin, si la plupart des dépressions peuvent être soignées en ambulatoire, il arrive qu’une hospitalisation s’impose, soit parce que la dépression est trop sévère, soit parce que le patient est en danger (risque de suicide, perte d’autonomie). Dans tous les cas, l’hospitalisation a des vertus thérapeutiques car l’hôpital est un lieu où il est possible d’être malade sans chercher à cacher sa maladie et le patient peut se concentrer sur lui-même et sur son traitement. Quel que soit le mode thérapeutique choisi, il est important de mettre en place des actions de soin complémentaires, comme pratiquer une activité physique, soigner son alimentation, dormir, prendre ses repas à des heures régulières, limiter sa consommation d’alcool et d’anxiolytiques, éviter de consommer des psychotropes et maintenir des relations sociales et familiales. Gardons à l’esprit que la dépression est un phénomène complexe dans lequel interviennent des facteurs bio-psycho-environnementaux qui interagissent entre eux.
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La dépression en chiffres En France, près d'une personne sur cinq a souffert ou souffrira de dépression au cours de sa vie. La dépression touche tous les âges, depuis l’enfance jusqu’à très tard dans l’existence d’un individu. Les femmes souffrent deux fois plus de dépression que les hommes. Selon l’OMS (Organisation mondiale pour la Santé) 300 millions de personnes dans le monde souffrent de dépression. De 2005 à 2015, le nombre de personnes souffrant de ce trouble psychique a augmenté de 18% La dépression peut conduire au suicide et chaque année près de 800 000 personnes meurent en se suicidant. Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les 15-29 ans.
Fumer, déprime
Au Canada, la consommation de cannabis est légale depuis 4 mois. Bonne ou mauvaise nouvelle ? La psychiatre Gabriella Gobi, chercheuse au sein de l’Institut de recherche du centre universitaire de santé Mac Gill, tire la sonnette d’alarme : le résultat de ses recherches établit un lien entre la dépression du jeune adulte et sa consommation régulière (au moins une fois par semaine) de cannabis au cours de l’adolescence. Chez les Nord-Américains âgés de 18 à 30 ans souffrant de dépression, 7% des diagnostics seraient associés à la consommation de cannabis à l’adolescence. Les sujets étudiés ne présentaient pas de troubles avant de commencer à fumer. (in « Des dépressions liées au cannabis », Le Monde 20 Février 2019).
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