La névrose obsessionnelle
Posté le 29/12/2018
Névrose obsessionnelle
Ordre, parcimonie et obstination fondent le credo de l’obsessionnel, son rempart privilégié contre l’angoisse. Car ce que craint l’obsessionnel, c’est la fantaisie et l’imprévu, auxquels il préfère la perfection, l’ordre et le contrôle qui se manifestent chez lui de façon outrancière.
Historique
Appelée folie raisonnante par Falret, en 1866, ou délire du toucher par Legrand du Saulle en 1875, l’actuelle névrose obsessionnelle a longtemps été réduite au caractère automatique de ses manifestations symptomatiques. A la fin du 19ème siècle, Freud lui restitue sa dimension affective et montre que le symptôme obsessionnel est lié au désir et à ses avatars. Il lui confère ainsi un sens particulier, en lien avec l’histoire du sujet, dont on suppose qu’il a connu des émois sexuels précoces.
C’est avec « L’homme aux rats », en 1909, que Freud nous livre sa célèbre démonstration d’une névrose obsessionnelle, dont le conflit oedipien se réactualise à l’âge adulte.
Aujourd’hui, on parle plus volontiers de personnalité psychasthénique ou compulsive susceptible d’évoluer vers une névrose obsessionnelle.
Les symptômes
Comme son nom l’indique, l’obsessionnel a des obsessions. Elles constituent même le symptôme principal de la névrose obsessionnelle et se caractérisent par l’irruption dans la pensée d’une idée, d’un sentiment, d’une tendance gênante. L’obsessionnel serait comparable au mammifère ruminant qui broie ses pensées pour les recycler sous forme de comportements absurdes.
Pour lutter contre ses obsessions, il organise son monde autour de rituels, de TOC, destinés à contrer leur surgissement. S’installent dans son quotidien des obligations, des interdictions, des vérifications qui prennent l’allure de cérémonial. Dans le film « Les associés », Roy, artiste escroc agoraphobe ferme trois fois une porte avant de la franchir, comme d’autres ont besoin de faire leur lit au carré chaque matin ou de ranger impérieusement leur bibliothèque tous les mercredis. Mais à eux seuls, les rites conjuratoires et les superstitions, ne suffisent pas à justifier d’une névrose obsessionnelle. C’est dans le cas où l’on a envie de souiller les draps ou que l’on redoute qu’un livre mal rangé ne tombe sur la tête d’un proche, que quelque chose cloche. D’un côté, l’obsessionnel a envie de faire mal et de l’autre, il culpabilise fortement. Cette ambivalence jalonne toute son existence qui s’organise autour de ces deux pôles ennemis.
L’homme obsessionnel
Entre raison et sentiments, son cœur oscille, mais ses idées morbides l’empêchent d’aimer librement.
Ces contradictions font de lui un être torturé qui masque ses sentiments d’amour et refoule ses pulsions sadiques. Le sceau des contraintes qui marque sa personnalité le condamne à les exprimer d’une façon particulière.
Dans le film « Pour le pire et pour le meilleur», toute l’ambivalence du personnage de Melvin Duvall, écrivain misanthrope et sexiste, réside dans son activité d’auteur de romans à l’eau de rose, contredite par son tempérament de rustre. L’homme, qui nourrit une peur panique du contact humain au point de se laver les mains cent fois par jour, change lorsqu’il tombe amoureux d’une mère célibataire. Pour elle, il se met en quatre, après lui avoir littéralement pourri la vie. Car, au fond, l’obsessionnel, capable des pires méchancetés, rêve aussi du grand amour … dont il a une peur bleue.
Sa vie affective s’en trouve négligée, voire totalement ignorée, les émotions sont tenues à distance. A la confusion des sentiments, il préfère la tranquillité de l’ordre, l’équilibre de la symétrie et la rigueur du rangement.
Pour faire sortir le cloporte de sa tanière, il existe une solution : avoir des problèmes et le faire savoir. Ce sera l’occasion pour lui de vous aider à les résoudre, non sans une certaine obséquiosité. Il adore se rendre utile. Et si ça ne suffit pas à l’attirer dans vos rets, débrouillez-vous pour le confronter à l’éventualité de votre propre mort. Dit comme ça, c’est étrange mais Freud nous enseigne que l’obsessionnel a besoin d’envisager la mort de l’autre pour le prendre en affection. Ça lui permet de gérer ses pulsions sadiques.
Son patient, « L’Homme aux rats », participait avec beaucoup de piété aux deuils et restait à l’affût de la mort de personnes proches, à tel point qu’on l’avait surnommé l’oiseau charognard. Mieux : il tuait des gens en imagination pour exprimer sa sympathie sincère aux parents du défunt. Alors, si vous êtes mordue, troquez vos mascarades de femmes fatales qui le terrorisent contre des pauses de macchabées qui feront démarrer son système limbique en trombe.
La femme obsessionnelle
Contrairement aux idées reçues, la névrose obsessionnelle n’est pas l’apanage de la gente masculine. Les femmes obsessionnelles existent et Freud nous livre des descriptions de compulsions féminines toutes relatives à l’impossible du rapport sexuel. Avec « La femme au tapis », on assiste au rituel vaudevillesque d’une femme frustrée par un mari impuissant, qui reproduit inlassablement devant sa femme de chambre, une scène qui dément l’échec du coït de leur nuit de noces.
Dès 1957, Lacan reprend les théories freudiennes et insiste sur l’hyper-moralité et la lutte contre les tendances perverses qui déterminent la névrose obsessionnelle, d’où le conflit qui en résulte. Ainsi, une petite fille qui nourrit le fantasme d’empoisonner ses parents donnera-t-elle compulsivement trois coups sur le plancher en répétant trois fois : « je ne l’ai pas pensé », pour se parer contre l’angoisse suscitée par ses pulsions de haine.
Et dans la vraie vie comment la femme obsessionnelle se débrouille-t-elle lorsque ses envies de meurtre offensent ses vertueuses pensées? Tout d’abord, méfiance : elle a jeté le voile sur la séduction pour mieux vous piquer. La femme obsessionnelle, ce n’est pas la femme fardée qui camoufle son indigence, mais la femme masquée qui exhibe sa candeur pour assurer son impunité. Au début, vous n’y verrez que dalle. La belle se déplace dans l’ombre avec une main de fer dans un gant de velours qui vous caresse le poil. Mais en réalité, elle vous en veut de posséder les insignes de la puissance masculine. Alors, elle utilise des stratagèmes pour se venger. Le premier consiste à leurrer votre désir en s’habillant de façon sexy mais discret. Par exemple, elle porte un tailleur noir et ajusté sur un col roulé, avec des chaussures vernies à talons hauts pour érotiser son corps. Pensez à Tippi Hedren dans « Pas de printemps pour Marnie ». La blonde est kleptomane, mais elle a de la classe et du sex appeal.
Le second, plus subtil, consiste à faire comme si la volonté de séduire n’avait pas eu lieu, comme si elle n’y était pour rien dans cette affaire. Par cette pirouette, elle tourne le désir masculin en dérision et le renvoie à son propriétaire qui s’en trouve embarrassé comme un zèbre d’une poire. C’est une façon de vous rappeler qu’elle n’est pas le genre de femme qu’on séduit en toute impunité. C’est compliqué, parce qu’elle a tout fait pour attiser votre désir. Vous avez le droit de vous rebiffer, mais à vos risques et périls. Cette femme cérébrale se sert des mots comme d’un dard et n’hésitera pas à vous larder au moindre signe de faiblesse. En réalité, derrière cette mascarade, elle sollicite les faveurs d’un père et la bienveillance d’une mère.
Si vous possédez la belle gueule de Sean Connery, alias Mark Rutland, vous parviendrez peut-être à vous imposer comme une figure paternelle capable d’apaiser les tensions qui animent son esprit. Auquel cas, ses piqûres de rappel deviendront délicieuses. Vous avez enfin trouvé grâce à ses yeux. Amen.
Obsessionnels, vous gâchez la vie de vos proches, à commencer par la vôtre. Votre univers est rempli de doutes et de rituels qui n’ont d’égales que vos pulsions dévastatrices qu’il serait bon de décharger sur le divan.
Vos manies vous protègent d’une débauche indéfiniment fantasmée. A votre esprit défendant, que vos corps consentent à désirer et vous deviendrez supportables. Car l’enfer, c’est vous… surtout pour vous.